Politique
Bénin : Des renforts militaires étrangers pour soutenir le gouvernement
La situation politique demeure tendue au Bénin après la tentative de coup d’État survenue le week-end du 7 décembre à Cotonou. Les autorités ont engagé des poursuites contre plusieurs figures de l’opposition, tandis que des renforts militaires étrangers ont été déployés pour soutenir le gouvernement.
Selon le ministre béninois des Affaires étrangères, environ 200 soldats nigérians et ivoiriens sont actuellement présents sur le territoire béninois. Leur mission consiste à appuyer les forces nationales dans un contexte sécuritaire jugé sensible après l’échec du putsch.
Sur le plan judiciaire, l’ancien ministre délégué à la Défense et opposant politique Candide Azannaï a été interpellé vendredi 12 décembre dans la capitale économique. D’après ses proches, son véhicule a été encerclé par la police alors qu’il se rendait au siège de son parti, Restaurer l’Espoir, avant d’être conduit à la police judiciaire. Après plusieurs heures d’incertitude, une source judiciaire a confirmé son placement en garde à vue pour complot contre l’autorité de l’État et incitation à la rébellion.
Par ailleurs, la justice béninoise a émis un mandat d’arrêt international contre l’influenceur anti-occidental Kémi Seba. Un autre opposant, Sabi Sira Korogoné, affirme également être visé par une procédure judiciaire.
Les autorités béninoises assurent que la tentative de coup d’État ne restera pas impunie et que les enquêtes se poursuivent pour identifier les auteurs et les commanditaires présumés.
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Bénin : Le coup d’État qui dit tout haut ce que la région murmure
La tentative de renversement à Cotonou n’est pas qu’un accident interne. Elle s’inscrit dans une dynamique plus large : la projection d’influence du Sahel vers les États côtiers, sur fond de rupture politique avec la CEDEAO, de corridors convoités et de guerre des récits.
Le dimanche où tout a vacillé
Cotonou dort encore lorsque les premiers coups de feu claquent. Le 7 décembre 2025, à 4h30 du matin, les hommes du lieutenant-colonel Pascal Tigri, franchissent les grilles de la télévision nationale. Dans les quartiers populaires, personne ne comprend immédiatement ce qui se joue. Mais ceux qui connaissent la grammaire des putschs africains savent que le choix de Tigri n’est pas anodin. Commandant des forces spéciales rattachées à la Garde nationale, l’officier n’est pas de ceux qu’on envoie mater une mutinerie de garnison. C’est un scalpel, pas un marteau – l’instrument des coups pensés pour décapiter un régime avant que quiconque n’ait le temps de réagir.
Ce qui frappe, c’est la simultanéité des événements. Alors que les tirs résonnent encore à Cotonou, le Béninois Kemi Seba – conseiller du général Tiani à Niamey et figure du panafricanisme pro-AES – annonce déjà la chute de Patrice Talon sur les réseaux sociaux. Trop tôt. Beaucoup trop tôt. Cette précipitation en dit long : soit l’homme savait, soit il avait reçu des consignes d’amplification bien avant l’issue. L’objectif était limpide – créer un fait accompli médiatique, provoquer des ralliements opportunistes, imposer le récit d’un soulèvement populaire contre un « dictateur pro-français ».
L’intervention nigériane va tout casser, appuyée au sol par les Forces spéciales françaises au Bénin depuis une année et demie pour la création et la formation des Forces spéciales du Bénin. Frappes aériennes, feu vert du Sénat pour un déploiement terrestre. En quelques heures, la tentative s’effondre. Mais pour ceux qui observent la région depuis des années, l’épisode a révélé bien plus qu’un coup raté : une mécanique de projection qui dépasse largement les frontières béninoises.

La piste sahélienne
Que s’est-il vraiment passé dans les semaines précédant le 7 décembre ? Les éléments qui filtrent dessinent un scénario de facilitation extérieure plutôt que de commandement direct. Des sources proches de l’enquête évoquent des contacts entre certains putschistes et des intermédiaires nigériens – des rencontres discrètes, un soutien logistique et financier. Le profil de Tigri lui-même interroge : un officier des forces spéciales, rompu aux techniques de prise d’objectifs critiques, ne se lance pas dans une telle aventure sur un coup de tête.
L’Alliance des États du Sahel n’a pas nécessairement tiré les ficelles dans les moindres détails. Mais elle a patiemment construit l’écosystème qui rend ce genre d’opération possible : un narratif de délégitimation du régime Talon martelé depuis des mois, des réseaux d’influence travaillant l’opinion béninoise sur les réseaux sociaux, des relais sanctuarisés au Niger. Les suites judiciaires confirment cette lecture. Un juge d’instruction de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) a lancé deux mandats d’arrêt internationaux contre Kemi Seba et Sabi Sina Korogoné, figure de l’opposition béninoise. Il leur est reproché d’être de connivence avec les mutins – formulation qui dessine une architecture de complicités où se rejoignent l’écosystème panafricaniste pro-AES, des relais politiques intérieurs et les exécutants en treillis.
C’est là toute la subtilité de la méthode – et Moscou procède de façon identique en Afrique subsaharienne : façonner les environnements plutôt que commander directement, de sorte que les acteurs locaux agissent dans le sens voulu en croyant servir leurs propres intérêts.
Le calcul est simple. Si le coup réussit, l’AES gagne un allié côtier et achève d’encercler ce qui reste des positions françaises. S’il échoue, elle ne paie aucun prix – pas de pertes, pas d’empreinte compromettante – tout en ayant testé les défenses adverses et repéré leurs failles pour la prochaine tentative.
Pourquoi le Bénin
Pour comprendre l’acharnement, il faut regarder une carte – et un tuyau. Le pipeline reliant le champ pétrolier d’Agadem au terminal de Sèmè-Kpodji n’est pas une infrastructure parmi d’autres. Pour Niamey, c’est une artère vitale, le seul passage pour transformer le brut nigérien en devises. Depuis juillet 2023, le Niger du général Tiani s’est engagé dans une stratégie de « continentalisation » – rupture avec Paris, rapprochement avec Moscou, alliance avec les juntes voisines. Mais cette émancipation proclamée bute sur une réalité têtue : le Niger reste enclavé, et ses ressources ne valent rien sans accès à la mer.
Voilà le nœud du problème. S’affranchir de l’Occident tout en dépendant de ports contrôlés par des États alignés sur la CEDEAO, c’est construire sur du sable. D’où la tentation d’une sécurisation préemptive : plutôt qu’attendre qu’un Bénin hostile ferme les vannes, installer à Cotonou un régime ami.

Le Bénin offre par ailleurs un terreau favorable. Au nord, la menace jihadiste n’est plus une abstraction. Des katibas venues du Burkina Faso franchissent régulièrement la frontière, le parc W est devenu un sanctuaire. Cette réalité nourrit des frustrations dans l’armée béninoise : soldats envoyés au front sans grande logistique, officiers oubliés dans les promotions. Ces griefs corporatistes sont du pain béni pour qui veut retourner une garnison.
Le rôle des voisins
La géographie commande. Entre le Niger et le Bénin, la frontière n’existe que sur les cartes. Dans les faits, c’est un espace poreux où circulent marchands, contrebandiers, bergers transhumants – et, à l’occasion, des émissaires plus discrets. Les services de renseignement béninois ne peuvent pas surveiller chaque piste, chaque marché frontalier, chaque conciliabule nocturne. Cette porosité est une aubaine pour qui veut préparer un coup sans laisser de traces.
Le Togo voisin joue un jeu trouble. Le régime Gnassingbé, autoritaire, a toujours su louvoyer entre les camps. Sans rejoindre l’AES, Lomé maintient des canaux ouverts avec les juntes sahéliennes et se garde bien de les condamner trop fort. Cette ambivalence crée une zone grise commode – un espace où des contacts peuvent se nouer, où des intermédiaires peuvent opérer sans être inquiétés.
L’incident du C-130 nigérian contraint d’atterrir au Burkina Faso au lendemain du putsch manqué donne la mesure des tensions. Ouagadougou a immédiatement crié à la provocation hostile. On est loin des déclarations de bon voisinage. La CEDEAO, jadis forum de régulation des crises, est devenue elle-même l’enjeu du conflit. Quand le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé leur retrait en janvier 2024, ils ont consommé une sécession institutionnelle sans précédent depuis les indépendances. L’Afrique de l’Ouest n’est plus une région ; c’est un champ de bataille.

Ce qui vient…
Le putsch a échoué, mais l’ambition qu’il révèle ne s’évanouira pas. L’AES peut choisir l’usure : multiplier les tentatives, forcer Abuja et Paris à intervenir encore et encore, créer une instabilité chronique qui finira par épuiser les défenseurs. Elle peut aussi contourner l’obstacle en visant des proies plus faciles – le Togo des Gnassingbé, régime sans légitimité populaire, ou le Ghana, démocratie fragilisée par la crise économique.
Pour la France, l’enjeu dépasse le Bénin. Après les humiliations du Mali, du Burkina Faso et du Niger, Cotonou est l’un des derniers points d’ancrage en Afrique de l’Ouest francophone. Paris a activé ses réseaux le 7 décembre, partagé ses informations avec le Nigeria. Mais cette victoire tactique masque un piège : plus la France soutient Talon, plus elle le désigne comme « l’homme de Paris » – un label devenu toxique.
Le Nigeria reste la clef. Sans Abuja, le putsch aurait probablement réussi. Mais le géant ouest-africain ploie sous ses propres fardeaux : Boko Haram, criminalité endémique, naira en chute libre. Combien de temps pourra-t-il jouer les gendarmes régionaux ?
Le scénario le plus probable est l’escalade contrôlée : une succession de crises, chacune repoussée au prix d’efforts croissants, dans une guerre d’usure où l’AES mise sur la lassitude de ses adversaires. L’histoire enseigne que, dans ce type de confrontation, l’attaquant choisit le moment et le lieu ; il lui suffit de réussir une fois.
Ce qui s’est joué à Cotonou n’est pas une affaire béninoise. C’est la première bataille d’une guerre pour le contrôle des littoraux – et la confirmation d’une vérité vieille comme le monde : qui tient les ports tient la respiration des terres enclavées. Le golfe de Guinée est devenu la nouvelle ligne de front.
Source : https://www.revueconflits.com/benin-le-coup-detat-qui-dit-tout-haut-ce-que-la-region-murmure/
Politique
Guinée-Bissau : La CEDEAO exige le retour rapide à un régime civil
À l’issue du sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest tenu à Abuja dimanche, au Nigeria, le bloc régional a rejeté le programme de transition des militaires de la Guinée-Bissau et exigé un retour rapide à l’ordre civil.
La CEDEAO menace d’imposer des sanctions ciblées à tous ceux qui entraveraient le processus démocratique. Julius Maada Bio, Président de la Sierra Leone et Président de la CEDEAO a critiqué cette régression démocratique : les architectes de la CEDEAO ont compris que la démocratie est inséparable de la paix, de la justice et du développement. Aujourd’hui, cet ordre démocratique est mis à l’épreuve. La résurgence des changements anticonstitutionnels de gouvernement menace notre stabilité régionale, sape les droits de nos citoyens et affaiblit notre avenir collectif. L’instabilité en Guinée-Bissau et la tentative de coup d’État au Bénin nous rappellent que la démocratie exige une vigilance constante et une action fondée sur des principes.
La CEDEAO avait déjà été secouée par une série de coups d’Etat entre 2020 et 2023 au Burkina Faso, en Guinée, au Mali et au Niger, pays toujours dirigés par des militaires. L’organisation a qualifié de progrès significatif le processus de transition en cours à Conakry. Le vice-président du Nigeria, Kashim Shettima a lui rappelé la nécessité d’une unité de ce bloc avec les dissensions des pays de l’AES.
L’Afrique de l’Ouest n’est pas un assemblage aléatoire de frontières tracées au hasard. C’est une famille liée par la mémoire, la culture, la lutte et les aspirations. Comme dans toutes les familles, nous sommes en désaccord, nous contestons les idées et nous mettons à l’épreuve la patience des uns et des autres. Mais le désaccord n’efface pas l’appartenance. Les rivalités civiles n’annulent pas le sang partagé. Telle est la position du Nigeria. Nous restons persuadés que c’est la fraternité, et non la force, qui doit définir l’avenir de notre communauté.
Vu de l’Afrique de l’ouest, la CEDEAO bien qu’étant l’une des rares organisations régionales actives est critiquée pour son inaction face à certains régimes qui se perpétuent au mépris de la Constitution ou des droits et des libertés populaires. Elle accusée de suivre un agenda politique dicté par l’occident en occurrence la France.
Politique
Sénégal : Le gouvernement annonce la suspension de toute extradition vers la France
Le Sénégal a annoncé la suspension de toutes les extraditions vers la France, accusant Paris de manquer de coopération judiciaire dans des dossiers impliquant des ressortissants sénégalais.
L’annonce a été faite jeudi par la ministre sénégalaise de la Justice, Yassine Fall, lors d’une intervention devant le Parlement. Elle a expliqué que Dakar réclame depuis plusieurs mois, sans succès, l’extradition de deux citoyens sénégalais actuellement établis en France.
En réaction, les autorités sénégalaises ont décidé de refuser l’extradition de douze personnes recherchées par la justice française, tant qu’elles n’obtiendront pas une réponse favorable de Paris à leurs propres demandes.
« Si ces personnes sont coupables de crimes, nous les arrêtons. Nous ne faisons pas comme la France. Nous ne les laissons pas en liberté », a déclaré la ministre de la Justice.
Yassine Fall n’a pas révélé l’identité des deux ressortissants sénégalais concernés. Toutefois, cette décision intervient quelques semaines après que des tribunaux français ont reporté à février leur décision concernant l’éventuelle extradition de Madiambal Diagne, homme de médias sénégalais et critique du gouvernement.
Ce dernier fait l’objet d’un mandat d’arrêt sénégalais pour de présumées irrégularités financières. Les juridictions françaises ont demandé des informations complémentaires afin de statuer sur la demande d’extradition, une requête que le gouvernement sénégalais affirme avoir déjà pleinement satisfaite.
Les avocats de Madiambal Diagne ont dénoncé la décision de Dakar, la qualifiant de « chantage diplomatique ».
Pour rappel, la France et le Sénégal ont signé un accord d’extradition en 2021, censé encadrer la coopération judiciaire entre les deux pays.