Politique
Djibouti : Le Parlement lève la limite d’âge fixée à 75 ans pour la présidentielle
Le paysage politique à Djibouti vient d’être secoué par un vote clé à l’Assemblée nationale. Réunis ce 26 octobre, les parlementaires ont adopté à l’unanimité la suppression de la limite d’âge fixée à 75 ans pour les candidats à la magistrature suprême. Cette décision ouvre de facto la voie à une nouvelle candidature du président Ismaël Omar Guelleh (IOG), actuellement âgé de 77 ans, en vue de la présidentielle d’avril 2026. À la tête du pays depuis 1999, cette modification constitutionnelle est un pas décisif vers un potentiel sixième mandat.
Une loi d’éligibilité votée… puis effacée
La limite d’âge, inscrite à l’article 23 de la Constitution, était un ajout datant de 2010. À l’époque, cette réforme avait été faite concomitamment à la suppression de la limitation du nombre de mandats. La décision avait permis alors à Ismaël Omar Guelleh de briguer un troisième quinquennat. Quinze ans plus tard, la clause des 75 ans se dressait comme le dernier obstacle constitutionnel majeur à sa reconduction. Avec 65 votes en faveur de la suppression, l’Assemblée nationale, dominée par l’Union pour la majorité présidentielle (UMP), a fait disparaître cette condition d’éligibilité.
Stabilité régionale et démantèlement démocratique
Justifiant cette modification, le président de l’Assemblée nationale et ancien Premier ministre, Dileita Mohamed Dileita, a invoqué la nécessité d’assurer la « stabilité du petit pays » dans la Corne de l’Afrique. Cette région est minée par des troubles qui impliquent la Somalie, l’Éthiopie et l’Érythrée. Il a même affirmé que « plus de 80% de la population soutient cela ».
Cependant, cette décision ne surprend guère les observateurs, qui y voient la confirmation d’un processus politique verrouillé. L’absence d’une véritable opposition et les restrictions persistantes sur la liberté de la presse témoignent d’un espace démocratique étroitement contrôlé. Le récent départ d’Alexis Mohamed, un proche conseiller présidentiel, qui a dénoncé en septembre le « recul démocratique » et la « gestion clientéliste », ajoute au contexte de critiques.
Un pays stratégique convoité par les puissances
Ancienne colonie française, Djibouti a gagné son indépendance en 1977. Au-delà de ses enjeux internes, le pays jouit d’une importance géostratégique majeure. Sa position à la sortie de la mer Rouge, dans le détroit de Bab-el-Mandeb, point de transit clé pour le commerce mondial, en fait une escale de choix pour les grandes puissances. Djibouti accueille ainsi des bases militaires américaine, française et chinoise. Ceci confère à sa stabilité un intérêt bien au-delà des frontières africaines.

Prochaines étapes : l’ultime formalité
Malgré ce vote unanime, une formalité constitutionnelle reste à accomplir. Le chef de l’État a désormais le choix d’organiser un référendum ou de solliciter un second vote à la majorité qualifiée de l’Assemblée sur cette révision. Selon des sources parlementaires, ce second vote pourrait intervenir dès le 2 novembre. Interrogé en mai dernier par Jeune Afrique sur ses intentions, IOG avait gardé le suspense et affirmé simplement : « J’aime trop mon pays pour l’embarquer dans une aventure irresponsable et être la cause de divisions. » Avec la levée de cette limite d’âge, le chemin vers une candidature est désormais presque entièrement dégagé.
L’opposition dénonce un « braquage »
Alexis Mohamed, ancien conseiller du président djiboutien, qui avait annoncé en septembre sa démission en critiquant un « recul démocratique » et une « gestion clientéliste » du pays, dénonce lui un « putsch » législatif de la part d’un Parlement, selon lui, « illégitime ». Il réclame un référendum.
« Ceci n’est pas une révision constitutionnelle, c’est un braquage plutôt institutionnel, parce que ces parlementaires sont avant tous les choix d’un homme et non issus du suffrage populaire. Bien qu’il y ait un semblant de vote, c’est le président actuel lui-même qui effectue la liste de tous les députés. Sans sa validation, aucun député n’est malheureusement élu, si j’ose dire »
« En ce qui concerne la nouvelle révision de la Constitution, qui est approuvée juste pour son propre intérêt, je lui propose qu’il la fasse passer en deuxième étape par voie référendaire. On verra, confie-t-il. Je le mets au défi, justement, de se confronter à l’expression populaire pour mesurer justement s’il va y avoir un rejet ou s’il va y avoir une popularité, comme en prétend aujourd’hui l’Assemblée nationale. »
Politique
Sénégal : Ousmane Sonko sonne la mobilisation générale au sein de PASTEF
Le président du parti PASTEF – Les Patriotes, Ousmane Sonko, a appelé lundi l’ensemble des structures de sa formation politique à s’engager dans une dynamique de mobilisation politique, sociale et citoyenne accrue, dans un contexte de transformation nationale en cours, selon un communiqué officiel.
Dans cette instruction interne adressée aux cellules, sections communales, coordinations départementales et élues à l’étranger, ainsi qu’aux cadres et militants du parti, M. Sonko souligne que le grand rassemblement du 8 novembre 2025 a mis en évidence l’attachement du peuple sénégalais au projet politique porté par PASTEF.
Le document, daté du 15 décembre 2025, fixe plusieurs objectifs stratégiques à atteindre d’ici à la fin 2026, notamment la massification du parti avec l’objectif d’identifier et d’activer un million de militants, la création ou la redynamisation de 10 000 cellules fonctionnelles couvrant le territoire national et la diaspora, ainsi que la structuration de proximité pour renforcer l’ancrage citoyen du mouvement.
Selon l’instruction, les cellules devront devenir des « centres d’éducation politique et de vulgarisation », des espaces d’expression citoyenne et des lieux d’actions sociales, tout en assurant une présence régulière auprès des populations.
Des campagnes d’adhésion, la tenue de réunions statutaires et l’élaboration de plans d’actions réguliers sont également prévues pour renforcer la cohésion interne.
Ousmane Sonko insiste sur le rôle du PASTEF non seulement comme parti politique, mais comme « dynamique sociale, populaire et citoyenne », engageant chaque responsable et militant à s’approprier pleinement la démarche pour garantir son impact sur le terrain et sa durabilité.
Le Secrétariat général du parti a été chargé de veiller à l’application effective de cette instruction, qui s’inscrit selon les dirigeants dans la continuité de la transformation politique et sociale engagée au Sénégal depuis l’arrivée de PASTEF au pouvoir.
Source : https://www.ndarinfo.com/Ousmane-Sonko-sonne-la-mobilisation-generale-au-sein-de-PASTEF_a42147.html
Politique
Bénin : Le coup d’État qui dit tout haut ce que la région murmure
La tentative de renversement à Cotonou n’est pas qu’un accident interne. Elle s’inscrit dans une dynamique plus large : la projection d’influence du Sahel vers les États côtiers, sur fond de rupture politique avec la CEDEAO, de corridors convoités et de guerre des récits.
Le dimanche où tout a vacillé
Cotonou dort encore lorsque les premiers coups de feu claquent. Le 7 décembre 2025, à 4h30 du matin, les hommes du lieutenant-colonel Pascal Tigri, franchissent les grilles de la télévision nationale. Dans les quartiers populaires, personne ne comprend immédiatement ce qui se joue. Mais ceux qui connaissent la grammaire des putschs africains savent que le choix de Tigri n’est pas anodin. Commandant des forces spéciales rattachées à la Garde nationale, l’officier n’est pas de ceux qu’on envoie mater une mutinerie de garnison. C’est un scalpel, pas un marteau – l’instrument des coups pensés pour décapiter un régime avant que quiconque n’ait le temps de réagir.
Ce qui frappe, c’est la simultanéité des événements. Alors que les tirs résonnent encore à Cotonou, le Béninois Kemi Seba – conseiller du général Tiani à Niamey et figure du panafricanisme pro-AES – annonce déjà la chute de Patrice Talon sur les réseaux sociaux. Trop tôt. Beaucoup trop tôt. Cette précipitation en dit long : soit l’homme savait, soit il avait reçu des consignes d’amplification bien avant l’issue. L’objectif était limpide – créer un fait accompli médiatique, provoquer des ralliements opportunistes, imposer le récit d’un soulèvement populaire contre un « dictateur pro-français ».
L’intervention nigériane va tout casser, appuyée au sol par les Forces spéciales françaises au Bénin depuis une année et demie pour la création et la formation des Forces spéciales du Bénin. Frappes aériennes, feu vert du Sénat pour un déploiement terrestre. En quelques heures, la tentative s’effondre. Mais pour ceux qui observent la région depuis des années, l’épisode a révélé bien plus qu’un coup raté : une mécanique de projection qui dépasse largement les frontières béninoises.

La piste sahélienne
Que s’est-il vraiment passé dans les semaines précédant le 7 décembre ? Les éléments qui filtrent dessinent un scénario de facilitation extérieure plutôt que de commandement direct. Des sources proches de l’enquête évoquent des contacts entre certains putschistes et des intermédiaires nigériens – des rencontres discrètes, un soutien logistique et financier. Le profil de Tigri lui-même interroge : un officier des forces spéciales, rompu aux techniques de prise d’objectifs critiques, ne se lance pas dans une telle aventure sur un coup de tête.
L’Alliance des États du Sahel n’a pas nécessairement tiré les ficelles dans les moindres détails. Mais elle a patiemment construit l’écosystème qui rend ce genre d’opération possible : un narratif de délégitimation du régime Talon martelé depuis des mois, des réseaux d’influence travaillant l’opinion béninoise sur les réseaux sociaux, des relais sanctuarisés au Niger. Les suites judiciaires confirment cette lecture. Un juge d’instruction de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) a lancé deux mandats d’arrêt internationaux contre Kemi Seba et Sabi Sina Korogoné, figure de l’opposition béninoise. Il leur est reproché d’être de connivence avec les mutins – formulation qui dessine une architecture de complicités où se rejoignent l’écosystème panafricaniste pro-AES, des relais politiques intérieurs et les exécutants en treillis.
C’est là toute la subtilité de la méthode – et Moscou procède de façon identique en Afrique subsaharienne : façonner les environnements plutôt que commander directement, de sorte que les acteurs locaux agissent dans le sens voulu en croyant servir leurs propres intérêts.
Le calcul est simple. Si le coup réussit, l’AES gagne un allié côtier et achève d’encercler ce qui reste des positions françaises. S’il échoue, elle ne paie aucun prix – pas de pertes, pas d’empreinte compromettante – tout en ayant testé les défenses adverses et repéré leurs failles pour la prochaine tentative.
Pourquoi le Bénin
Pour comprendre l’acharnement, il faut regarder une carte – et un tuyau. Le pipeline reliant le champ pétrolier d’Agadem au terminal de Sèmè-Kpodji n’est pas une infrastructure parmi d’autres. Pour Niamey, c’est une artère vitale, le seul passage pour transformer le brut nigérien en devises. Depuis juillet 2023, le Niger du général Tiani s’est engagé dans une stratégie de « continentalisation » – rupture avec Paris, rapprochement avec Moscou, alliance avec les juntes voisines. Mais cette émancipation proclamée bute sur une réalité têtue : le Niger reste enclavé, et ses ressources ne valent rien sans accès à la mer.
Voilà le nœud du problème. S’affranchir de l’Occident tout en dépendant de ports contrôlés par des États alignés sur la CEDEAO, c’est construire sur du sable. D’où la tentation d’une sécurisation préemptive : plutôt qu’attendre qu’un Bénin hostile ferme les vannes, installer à Cotonou un régime ami.

Le Bénin offre par ailleurs un terreau favorable. Au nord, la menace jihadiste n’est plus une abstraction. Des katibas venues du Burkina Faso franchissent régulièrement la frontière, le parc W est devenu un sanctuaire. Cette réalité nourrit des frustrations dans l’armée béninoise : soldats envoyés au front sans grande logistique, officiers oubliés dans les promotions. Ces griefs corporatistes sont du pain béni pour qui veut retourner une garnison.
Le rôle des voisins
La géographie commande. Entre le Niger et le Bénin, la frontière n’existe que sur les cartes. Dans les faits, c’est un espace poreux où circulent marchands, contrebandiers, bergers transhumants – et, à l’occasion, des émissaires plus discrets. Les services de renseignement béninois ne peuvent pas surveiller chaque piste, chaque marché frontalier, chaque conciliabule nocturne. Cette porosité est une aubaine pour qui veut préparer un coup sans laisser de traces.
Le Togo voisin joue un jeu trouble. Le régime Gnassingbé, autoritaire, a toujours su louvoyer entre les camps. Sans rejoindre l’AES, Lomé maintient des canaux ouverts avec les juntes sahéliennes et se garde bien de les condamner trop fort. Cette ambivalence crée une zone grise commode – un espace où des contacts peuvent se nouer, où des intermédiaires peuvent opérer sans être inquiétés.
L’incident du C-130 nigérian contraint d’atterrir au Burkina Faso au lendemain du putsch manqué donne la mesure des tensions. Ouagadougou a immédiatement crié à la provocation hostile. On est loin des déclarations de bon voisinage. La CEDEAO, jadis forum de régulation des crises, est devenue elle-même l’enjeu du conflit. Quand le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé leur retrait en janvier 2024, ils ont consommé une sécession institutionnelle sans précédent depuis les indépendances. L’Afrique de l’Ouest n’est plus une région ; c’est un champ de bataille.

Ce qui vient…
Le putsch a échoué, mais l’ambition qu’il révèle ne s’évanouira pas. L’AES peut choisir l’usure : multiplier les tentatives, forcer Abuja et Paris à intervenir encore et encore, créer une instabilité chronique qui finira par épuiser les défenseurs. Elle peut aussi contourner l’obstacle en visant des proies plus faciles – le Togo des Gnassingbé, régime sans légitimité populaire, ou le Ghana, démocratie fragilisée par la crise économique.
Pour la France, l’enjeu dépasse le Bénin. Après les humiliations du Mali, du Burkina Faso et du Niger, Cotonou est l’un des derniers points d’ancrage en Afrique de l’Ouest francophone. Paris a activé ses réseaux le 7 décembre, partagé ses informations avec le Nigeria. Mais cette victoire tactique masque un piège : plus la France soutient Talon, plus elle le désigne comme « l’homme de Paris » – un label devenu toxique.
Le Nigeria reste la clef. Sans Abuja, le putsch aurait probablement réussi. Mais le géant ouest-africain ploie sous ses propres fardeaux : Boko Haram, criminalité endémique, naira en chute libre. Combien de temps pourra-t-il jouer les gendarmes régionaux ?
Le scénario le plus probable est l’escalade contrôlée : une succession de crises, chacune repoussée au prix d’efforts croissants, dans une guerre d’usure où l’AES mise sur la lassitude de ses adversaires. L’histoire enseigne que, dans ce type de confrontation, l’attaquant choisit le moment et le lieu ; il lui suffit de réussir une fois.
Ce qui s’est joué à Cotonou n’est pas une affaire béninoise. C’est la première bataille d’une guerre pour le contrôle des littoraux – et la confirmation d’une vérité vieille comme le monde : qui tient les ports tient la respiration des terres enclavées. Le golfe de Guinée est devenu la nouvelle ligne de front.
Source : https://www.revueconflits.com/benin-le-coup-detat-qui-dit-tout-haut-ce-que-la-region-murmure/
Politique
Guinée-Bissau : La CEDEAO exige le retour rapide à un régime civil
À l’issue du sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest tenu à Abuja dimanche, au Nigeria, le bloc régional a rejeté le programme de transition des militaires de la Guinée-Bissau et exigé un retour rapide à l’ordre civil.
La CEDEAO menace d’imposer des sanctions ciblées à tous ceux qui entraveraient le processus démocratique. Julius Maada Bio, Président de la Sierra Leone et Président de la CEDEAO a critiqué cette régression démocratique : les architectes de la CEDEAO ont compris que la démocratie est inséparable de la paix, de la justice et du développement. Aujourd’hui, cet ordre démocratique est mis à l’épreuve. La résurgence des changements anticonstitutionnels de gouvernement menace notre stabilité régionale, sape les droits de nos citoyens et affaiblit notre avenir collectif. L’instabilité en Guinée-Bissau et la tentative de coup d’État au Bénin nous rappellent que la démocratie exige une vigilance constante et une action fondée sur des principes.
La CEDEAO avait déjà été secouée par une série de coups d’Etat entre 2020 et 2023 au Burkina Faso, en Guinée, au Mali et au Niger, pays toujours dirigés par des militaires. L’organisation a qualifié de progrès significatif le processus de transition en cours à Conakry. Le vice-président du Nigeria, Kashim Shettima a lui rappelé la nécessité d’une unité de ce bloc avec les dissensions des pays de l’AES.
L’Afrique de l’Ouest n’est pas un assemblage aléatoire de frontières tracées au hasard. C’est une famille liée par la mémoire, la culture, la lutte et les aspirations. Comme dans toutes les familles, nous sommes en désaccord, nous contestons les idées et nous mettons à l’épreuve la patience des uns et des autres. Mais le désaccord n’efface pas l’appartenance. Les rivalités civiles n’annulent pas le sang partagé. Telle est la position du Nigeria. Nous restons persuadés que c’est la fraternité, et non la force, qui doit définir l’avenir de notre communauté.
Vu de l’Afrique de l’ouest, la CEDEAO bien qu’étant l’une des rares organisations régionales actives est critiquée pour son inaction face à certains régimes qui se perpétuent au mépris de la Constitution ou des droits et des libertés populaires. Elle accusée de suivre un agenda politique dicté par l’occident en occurrence la France.