Société
Maroc : Le Parlement adopte la loi sur le droit de grève
Après la Chambre des représentants le 4 décembre dernier, la loi défendue par Younes Sekkouri, le ministre marocain de l’Inclusion économique, a également été adoptée par la Chambre des conseillers, le 3 février.
Encadrer le droit de grève de façon claire, cela faisait plusieurs années que les autorités du Maroc y songeaient, mais, confrontées à des oppositions résolues, n’y parvenaient pas. C’est désormais chose faite : le 3 février, la Chambre des conseillers a adopté le projet de loi organique N° 97.15, qui porte sur le droit de grève, un mois après un vote favorable de la Chambre basse. Ne manque plus que sa publication au Bulletin officiel.
La loi a été approuvée par 41 voix contre 7. Au total, 247 amendements avaient été déposés, dont 29 proposés par le gouvernement, rapporte l’agence marocaine de presse MAP. Pour les responsables de la majorité, cette adoption constitue « une étape charnière dans l’histoire du pays sur le plan économique et social » et « une avancée pour le renforcement du processus démocratique ».
Younes Sekkouri sur la brèche
La loi « offre des garanties [pour] les droits des travailleurs » et « garantit la liberté du travail et les droits des employeurs comme de la société », a assuré Younes Sekkouri, le ministre de l’Inclusion économique. Alors que ce projet de loi a suscité un vaste débat dans la classe politique, le gouvernement a voulu montrer qu’il optait pour une position équilibrée, qui tient compte des doléances des syndicats comme de celles des patronats. Une loi fondée sur le consensus, en somme.
La perspective d’une loi encadrant le droit de grève avait pourtant provoqué la colère de nombreux syndicats, ces derniers mois. Depuis deux ans, Younes Sekkouri multipliait les réunions sur le sujet avec les partenaires sociaux, mais beaucoup reprochaient à ce texte d’être trop axé sur le secteur privé, ou de porter atteinte aux libertés, ou encore d’être trop favorable au patronat.
Le vote du 3 février, à la Chambre haute, a d’ailleurs suscité le retrait des membres du groupe de l’Union marocaine du travail (UMT), qui entendaient ainsi protester contre la dernière version de ce texte. Un autre syndicat, la Confédération démocratique du travail (CDT), a, lui, dénoncé une « restriction » au droit constitutionnel et universel à la grève.
Pour exprimer leur mécontentement, la CDT, l’UMT, ainsi que l’Union nationale du travail au Maroc (UNMT), l’Organisation démocratique du travail (ODT) et la Fédération des syndicats démocratiques (FSD) ont appelé à une grève générale les 5 et 6 février, a annoncé le média Le 360.
« Le gouvernement continue de porter atteinte aux acquis sociaux des travailleurs en gelant le dialogue social pendant deux sessions successives et en adoptant le projet de loi sur le droit de grève avec des méthodes sournoises », a souligné Younes Firachine, membre du bureau exécutif de la CDT.
Les concessions du gouvernement marocain
Confronté à une fronde durable, le gouvernement a pourtant fait des concessions par rapport au projet initial. Lors des débats à la Commission de l’enseignement, des affaires sociales et culturelles de la Chambre des conseillers, le 31 janvier, Younes Sekkouri a ainsi annoncé que les patrons ne pourraient recourir à des employés de substitution. Cette interdiction est inscrite dans la nouvelle loi, indique le même média marocain.
Autre changement, « la contrainte par corps » ne sera pas utilisée contre les grévistes soumis à des sanctions pécuniaires et qui ne payeraient pas leurs amendes. Autrement dit, un gréviste ne pourra être incarcéré pour défaut de paiement.
La grève restera tout de même interdite aux forces de l’ordre ainsi que dans les secteurs dans lesquels « les intérêts de la nation risquent d’être menacés ». Mais la loi lève l’interdiction de faire grève à des fins politiques et les grèves tournantes. Enfin, comme le souligne L’Opinion, le délai du préavis de grève a été raccourci dans le secteur privé.