Société
Togo : Vers un procès de Vincent Bolloré pour « corruption d’agent public étranger »
Un arrêt rendu par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris rejette la majorité des demandes du milliardaire breton, qui conteste les faits qui lui sont reprochés. La décision d’un renvoi devant le tribunal correctionnel appartient désormais au juge d’instruction.
Pour qui est étranger au monde judiciaire, la procédure visant Vincent Bolloré pour « corruption d’agent public étranger » et « complicité d’abus de confiance » dans le cadre de ses relations d’affaires en Afrique de l’Ouest est l’occasion de découvrir la grande variété des contestations possibles en droit français et européen. Jeudi 6 novembre, cette revue de recours a pris fin – sauf pourvoi en cassation et jusqu’à un éventuel procès – avec un ultime arrêt rendu par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.
La cour d’appel confirme l’essentiel du dossier
La cour d’appel de Paris a rendu jeudi un arrêt confirmant la validité de la procédure engagée contre Vincent Bolloré, 73 ans, mis en examen pour corruption d’agent public étranger dans le cadre de l’attribution des ports de Lomé (Togo) et Conakry (Guinée) entre 2009 et 2011, ont indiqué vendredi des sources proches du dossier à l’AFP. L’arrêt, dont l’AFP a eu connaissance, valide le réquisitoire définitif du Parquet national financier (PNF), tout en écartant certaines mentions litigieuses liées à un épisode houleux du dossier. En d’autres termes, la cour a “expurgé” une partie des pièces, mais a maintenu le cœur de l’instruction.
L’affaire, ouverte en 2013, repose sur des soupçons selon lesquels le groupe Bolloré aurait utilisé sa filiale de communication Euro RSCG (devenue Havas) pour fournir des services de conseil politique à des candidats à la présidentielle dans ces deux pays, en contrepartie de l’obtention des concessions portuaires pour sa filiale Bolloré Africa Logistics.
Un procès désormais en ligne de mire
En 2021, Vincent Bolloré, son ancien directeur général Gilles Alix et le directeur international d’Havas Jean-Philippe Dorent avaient reconnu les faits dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), acceptant chacun une amende de 375 000 euros.
Mais le tribunal avait refusé d’homologuer cet accord, renvoyant l’affaire à l’instruction. Depuis, l’industriel breton conteste farouchement la régularité de la procédure.
Le groupe Bolloré, pour sa part, avait conclu une convention judiciaire d’intérêt public (Cjip), lui permettant d’éviter des poursuites moyennant une amende de 12 millions d’euros.
Pour Me Olivier Baratelli, avocat du groupe Bolloré, cet arrêt constitue “une indélébile atteinte à la présomption d’innocence”. Il a annoncé un pourvoi en cassation, estimant que “toute la procédure doit être annulée”.
À l’inverse, les associations anticorruption Sherpa et Anticor, parties civiles, se sont félicitées d’une “nouvelle victoire” ouvrant la voie à un procès.
Le Parquet national financier réclame un procès
En juin 2024, le Parquet national financier (PNF) avait requis un procès pour corruption active d’agent public étranger à l’encontre de Vincent Bolloré et Gilles Alix, pour abus de confiance contre ce dernier et complicité pour M. Bolloré et Jean-Philippe Dorent.
“Le procès aura lieu. N’en déplaise à M. Bolloré”, a déclaré Me Alexis Ihou, avocat de candidats malheureux à la présidentielle togolaise de 2010, Agbéyomé Kodjo et Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson.
La décision de la cour d’appel rend désormais hautement probable un procès historique pour corruption internationale, impliquant l’un des plus puissants industriels français en Afrique.