Politique
Mali : La coalition des partis d’opposition annonce un meeting ce 3 mai
Suite à la concertation nationale convoquée par la junte, la charte des partis politiques a été abrogée. Ces derniers souhaitent tenir un meeting le 3 mai, à Bamako, pour défendre la démocratie, un acte de contestation inédit.
« Nous n’allons pas rester les bras croisés. » Inquiets de leur possible dissolution par la junte au pouvoir, les partis politiques maliens élèvent la voix malgré la répression des voix dissidentes et la réduction de l’espace civique.
Les militaires au pouvoir ont annoncé mercredi soir l’abrogation de la charte des partis politiques qui régit leur fonctionnement. Un nouveau pas vers une éventuelle dissolution des partis, estiment des juristes. « Au Mali, nous avons lutté pour obtenir la démocratie et nous n’allons pas rester les bras croisés », prévient Oumar Mariko, opposant politique en exil.
La décision des autorités a été annoncée au lendemain d’une concertation nationale organisée par la junte à Bamako, et qui a préconisé la dissolution des partis et le durcissement des règles présidant à leur création.
Cette rencontre, marquée par la présence des soutiens du régime mais boycottée par la plupart des formations politiques, a également proposé la proclamation sans élection cette année du chef de la junte, le général Assimi Goïta, comme président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable. « Les masques tombent. Il est évident que les militaires entendent rester au pouvoir. Pour eux la démocratie est une pilule amère », poursuit M. Mariko.
« Consultations contrôlées par le pouvoir »
Depuis le double coup d’Etat qui a porté les militaires au pouvoir en 2020 et 2021, l’opposition a été réduite à l’impuissance par des mesures coercitives, des mises en cause judiciaires, des dissolutions d’organisations et la pression du discours dominant sur la nécessité de faire corps autour de la junte dans un pays confronté depuis 2012 au jihadisme.
Mais depuis quelques semaines, une centaine de partis politiques maliens se sont réunis dans une coalition et, samedi 26 avril, à Bamako, ont donné une conférence de presse pour accuser publiquement les autorités de vouloir leur dissolution.
Ce rassemblement, exceptionnel au Mali sous la junte, a été surveillé par un important dispositif policier. La coalition de partis a annoncé la tenue d’un meeting samedi 3 mai à Bamako. Si le rassemblement se tient, il constituerait un acte de contestation inédit depuis l’arrivée des militaires au pouvoir.
« On ne gouverne pas un pays par la force, ni par des manœuvres inappropriées », a déclaré jeudi Mountaga Tall, du Congrès national d’initiative démocratique, au moment de l’annonce du meeting. Le multipartisme, ainsi que les libertés d’expression et d’association, a été consacré au Mali par la Constitution de 1992, année de la démocratisation. La junte a promulgué en 2023 une nouvelle Constitution qui consacre les mêmes principes.
Mais « aujourd’hui, on a une remise en cause de l’esprit de cette Constitution par des consultations qui sont, de fait, contrôlées, orientées par le pouvoir en place », explique Gilles Yabi, fondateur du groupe de réflexion ouest-africain Wathi.
Repression des voix dissidentes
« Si les autorités veulent être en violation totale de cette même Constitution, alors nous serons en droit de ne pas reconnaître le pouvoir actuel et d’exiger le départ du président de la transition », prévient Boukary Dicko, du parti Yelema. « Au Mali, on est entré dans une nouvelle phase de consolidation du pouvoir militaire, comme c’est le cas au niveau de tous les régimes militaires au Sahel », estime Gilles Yabi.
Le Mali et ses voisins du Niger et du Burkina Faso sont dirigés par des juntes militaires arrivées au pouvoir entre 2020 et 2023, qui se sont associées au sein d’une Alliance des Etats du Sahel (AES). Des organisations de défense des droits humains accusent les trois régimes de réprimer les voix dissidentes au nom de la guerre contre les jihadistes.
En dépit des risques de représailles, la classe politique malienne hausse le ton pour ne pas disparaître de l’espace publique comme au Burkina et au Niger. « C’est d’une part lié à l’histoire politique de chacun de ces pays, mais aussi à ces trois régimes qui sont tous durs, mais selon des modalités différentes », précise Gilles Yabi.
Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU s’est dit « profondément préoccupé » par le projet qui pourrait « entraîner une réduction considérable des activités politiques ainsi que de l’espace civique et démocratique en général », dans un message publié sur X jeudi.
Si la junte malienne adopte les recommandations des concertations « nationales », qui actent la dissolution des partis politiques, la classe politique entend faire des recours devant la Cour constitutionnelle. « Si par hasard la Cour constitutionnelle ferme les yeux, alors nous n’aurions plus le choix que d’exiger la dissolution de cette cour », annonce Boukary Dicko du parti Yelema.